Magazine Diapason Juin 2005

Les Espaces acoustiques

Garth Knox (alto),
Asko Ensemble, WDR
Sinfonieorchester Köln,
Stefan Asbury.
Kairos 0012422KAI
distributeur : Abeillemusique.com
(2CD 42,14 €) Ø 2001 et 2002. TT : 1h 37
Technique 9/10
Les diverses formations sont rendues avec une grande clarté, de l’impact, de la dynamique. Très bonne image stéréo.

Propice à décourager les entreprises discographiques, tant par la multiplicité des effectifs qu’il requiert que par sa délicatesse d’exécution, le cycle composé par Gérard Grisey entre 1976 et 1985 était resté longtemps sans édition intégrale. Celle parue chez Accord (2001, Diapason d’or) pouvait d’emblée être considérée comme une référence. La nouvelle parution, qui réunit également les prestations de deux ensembles distincts, est plus cohérente encore grâce a l’intervention d’un seul chef. Avec des qualités légèrement différentes, elle est tout aussi remarquable ; le choix tient du dilemme. Au risque de schématiser abusivement, on relèvera une tendance dans cette deuxième version à une approche plus analytique, là où Pierre-André Valade et Sylvain Cambreling favorisaient la perception globale.
Pour la quasi-totalité des pièces, Stefan Asbury, s’installe plus confortablement dans la durée que ses prédécesseurs. Cela tient davantage aux tempos choisis qu’aux options retenues quant à la très relative ouverture de l’écriture. Favorisant l’émergence du détail, il ne sacrifie pas pour autant l’indispensable fusion des timbres. Bien que dans Partiels (1975), œuvre emblématique du cycle, les sonorités bruiteuses soient ici un peu plus policées, les deux versions restent très proches par leur esprit. Dans Transitoires, l’extension au grand orchestre de processus analogues (1980–1981) produit des textures plus massives, laissant néanmoins place à des plages très délicates. Une prise de son plus précise donne un petit avantage à l’équipe de Cologne.
C’est dans le Prologue (1976), pour alto solo, que l’on ressent le plus aisément les différences de sensibilité musicale : se démarquant assez peu du jeu puissant et assuré de Gérard Caussé – dédicataire de l’œuvre – dans les passages les plus véhéments, Garth Knox présente le début et la fin de la pièce dans un extrême dépouillement, osant une nudité presque vulnérable. Un Épilogue (1985) fondée explicitement sur le même matériau complète la progression de l’effectif (quatre cors solos et grand orchestre) en même temps qu’il suggère un retour à l’origine.

Pierre Rigaudière

source : Diapason juin 2005 ( télécharger le PDF )